Les gens à temps partiel sont des fainéants...
ou pas. Sous ce titre racoleur, il faut que je raconte ma récente mésaventure. tin tin tin...
L'histoire
J'ai donc récemment passer un entretien d'embauche pour le job forcément idéal pour moi, sinon je n'aurais pas postulé. Entretien en 2 temps, tests le matin, grand oral l'après-midi. Pour ma part, cela se passe plutôt bien, c'est mon domaine, je suis rouillé sur les entretiens, et je n'ai pas trop préparé les questions techniques, mais je joue franc-jeu (un peu trop, vous verrez la suite) et j'arrive à bredouiller quelques inepties avec le sourire, vous savez du genre qui vous font penser pendant tous le chemin du retour : mais pourquoi t'as dit ça...
Le moment fatidique vient où je présente une récente feuille de paye : «attention, les chiffres sont faussés, je suis à 80%, il faut ajouter 15% de plus.......» dis-je. On aurait pu croire que le chiffre alors calculer fit bondir l'assistance devant le nombre de zéros à aligner (joke), Et bien non, ce fut le 80% qui tira le plus de rictus.
Dans le contexte, la première réaction du jury fut un air étonné, puis l'un d'eux de dire : «Vous savez nous cherchons quelqu'un investit à 100% dans son poste». Alors, effectivement, j'ai argué que reprendre le poste à 100% me semblait une évidence, mais que c'est vrai, j'apprécie "d'être à 80 ", que c'est confortable et que cela n'influe pas sur la qualité ou la quantité de travail que je peux fournir. Je ne confond pas temps de présence et temps de travail, et comme la réaction et les réflexions me chauffe un peu, je ne prive pas de le dire.
Temps partiel, temps de présence, temps de travail
Le but n'est pas de lancer le débat sur les 35 heures et leur remise en cause permanente (comme les 48h, les 40h [ je vous laisse lire Asselain Jean-Charles. Une erreur de politique économique : la loi de quarante heures de 1936. In: Revue économique, volume 25, n°4, 1974. pp. 672-705.DOI : 10.3406/reco.1974.408167 www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1974_num_25_4_408167 ], les 39h avant). Et je ne vais pas non plus me lancer dans la différence entre les heures effectives, supplémentaires, heures d'équivalence, pause, astreintes ... et autres gaietés du code du travail, parce que j'en suis incapable et que ce n'est pas le sujet.
Non en fait, ce qui m’intéresse, c'est plus le côté du ressenti, et que le fait d'être à temps partiel, 90, 80 ou 50% soit encore pris ou penser comme étant une preuve de fainéantise, de laxisme ou de jean-foutisme. Attention, je fais, ou en tout cas, l'on sent une différence entre un 80% pris pour des raisons "valables" : enfant, maladie, handicap..., et les temps partiels choisis, et encore plus quand on est un homme...monde de clichés !
Dans la réalité
En tout cas dans ma réalité, je pense qu'il est préférable d'avoir quelqu'un à 80% qui fait son boulot, que des personnes présentent à 110% mais qui passe la majeure partie à se vanter de travailler comme des dingues à la machine à café. Je ne confonds pas heure de présence et heure de travail, la France est comme par hasard championne du présentéisme [ http://www.metronews.fr/info/les-francais-ces-champions-du-presenteisme-au-travail/mmll!tE96Cqu3h2MIA/ ].
Il est donc courant de faire croire que l'on bosse comme des dingues en restant tard, en envoyant des mails à 20h, alors que dans beaucoup de pays, resté tard au travail est une preuve d'inefficacité, de lenteur à bosser [ http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/01/present_1768224_3234.html ]. Pour ma part, je fais le même travail en 4 jours au lieu de 5, cela m'oblige donc à être plus organiser et plus efficace. Je ne dénigre pas le fait d'avoir beaucoup de travail, les coups de bourre et les métiers où le travail ne manque pas mais dans mon métier administratif, je ne vois pas d'urgences neurologiques tous les jours.
En fait, à la lumière des articles et des études jointes, vous remarquerez que le phénomène est courant, et que dans sa forme la plus grave, le présentéisme coûte plus cher que l’absentéisme [Le terme tend à dériver vers le fait de venir travailler même en étant malade, et plus seulement faire acte de présence.]. Mais comme je l'ai senti lors de l'entretien, les vieux démons ont la vie dure. L'erreur est de penser que l'assiduité au travail est directement proportionnel à la productivité. « Imposer des horaires fixes supposent que les salariés aient tous les jours la même dose d’énergie. Or, ce n’est évidemment pas le cas » est dit dans un rapport du cabinet midori consulting.
Bien-être et productivité
C'est prouvé, être heureux au travail améliore la productivité, et c'est pas moi qui le dit. Être heureux passe aussi par un équilibre entre son travail et sa vie privé, il n'est donc pas nécessaire de se tuer à la tâche, à part pour ceux dont le travail et leur passion, mais je rappelle que ce n'est pas la plupart des cas.
Pour 99% des salariés interrogés, il est important que le travail permette d'avoir un bon équilibre vie privée - vie professionnelle pour se sentir bien dans son travail (dont 75% pour lesquels cela est essentiel). Reconnaissance, autonomie et perspectives d'évolutions sont, en comparaison, citées par respectivement 52%, 52% et 49% des salariés. source TNS SOFFRES
Cet équilibre peut donc passer aussi par une réduction de son temps de travail, finalement travailler moins pour travailler mieux. Donc à l'inverse des clichés, les gens qui savent s'arrêter sont peut-être finalement les plus performants (je me lance des fleurs sinon personne le fait...).
Je ne parle même pas de cette récente étude intitulée Use it too much and lose it? The effect of working hours on cognitive ability et signée par trois professeurs d'économie : Shinya Kajitani, de l'Université Meisei à Hino (Japon); Colin McKenzie, de l'Université Keio à Tokyo (Japon); et Kei Sakata, de l'Université Ritsumeika à Kyoto (Japon) démontre qu'après 40 ans, un temps de travail réduit à 25h hebdomadaires serait optimal.
"Le travail peut être une arme à double tranchant car il peut stimuler l'activité cérébrale, mais les longues journées de travail peuvent causer de la fatigue et du stress qui endommagent potentiellement les fonctions cognitives", explique le Pr McKenzie au Time. [http://www.lexpress.fr/actualite/sciences/apres-40-ans-il-ne-faudrait-travailler-qu-a-temps-partiel-assurent-des-chercheurs_1785637.html]. Surtout qu'il ne faut pas oublier que l'on est bien parti pour bosser jusqu'à 70 ans, vous vous voyez sérieusement, 8-12-13-17 à fond à 70 piges, perso je n'y crois pas (vous allez sûrement me trouver l'exemple inverse du type, mais je ne prends pas en compte les exceptions, cela fausse mon biais de confirmation ;-).
Tout ça
Tout ça pour dire, que si les clichés ont la vie dure, il est dommage que ce ne soit pas la (ma) réalité qui gagne : ce n'est pas parce que tu travailles beaucoup que tu es efficace, et ce n'est pas parce que tu es à temps partiel que tu es fainéant et que le boulot ne sera pas fait.
Donc comme vous imaginez, et malgré mes bonnes capacités techniques et managériales d'après le RH, je n'ai pas eu le poste car même en commençant à 100%, je risquais un jour de re-demander un 80%, et le poste ne peut être occupé que par un cadre à 100%. Vraie raison ou excuse bidon pour ne pas me dire que j'étais nul, je ne sais pas. Vraiment dommage pour moi et triste pour eux.
quelques liens
présentéisme : http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8368436 http://www.irsst.qc.ca/media/documents/fr/prev/V22_01/34-38.pdf
bien être au travail : http://tnova.fr/etudes/bien-etre-et-efficacite-pour-une-politique-de-qualite-de-vie-au-travail
LE BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL : ENTRE DISTANCE ET PROXIMITÉ : https://jd.apec.fr/files/live/mounts/media/medias_delia/documents_a_telecharger/etudes_apec/le_bien_etre_au_travail_entre_distance_et_proximite/105333163e8b743f4bf307ef6c92a303.pdf